la chasse et la forêt de nos jours
Dans les temps les plus lointains, elle était pratiquée par les hommes pour assurer leur survie. Ensuite pour protéger les récoltes et le bétail des premiers agriculteurs. Elle devint un privilége seigneurial et royal au moyen âge. Après la révolution l'exercice de la chasse étant lié au droit de propriété, les acquéreurs successifs du massif boisé de Conches, Breteuil disposaient donc de ce revenu selon leur gré.
Les détenants de la plus grande partie boisée de Beaubray pendant la 1ère partie du 20éme siècle, en l'occurence la famille HIRCH, donnait location de son droit de chasse en faveur de M. Léon Olry Roederer propriétaire du domaine de Lierru et de 8000 hectares de forêt avoisinante. C'était encore ce qu'il était permis d'appeler " la Belle Epoque".
La plupart des personnes âgées du pays se souviennent avec nostalgie de cette période; car M. Olry Roederer, grand chasseur devant l'éternel, entretenait un superbe équipage de chasse à courre du cerf. Les chasses avaient lieu le mardi et le samedi de chaque semaine pendant les périodes autorisées. La tenue des participants était de couleur bleue avec gilet et parements amarantes.
La désignation patronymique des membres de l'équipage, Sautaubois, La Feuille, La Brisée, La Verdure, Marcassin était partie intégrante de la tradition.
Le carrousel incessant des cavaliers, amazones et des voitures hippomobiles suiveuses, tonneaux, phaétons et autres, ajoutait un éclat attrayant dans ce rassemblement pittoresque. Lorsque la meute était découplée en forêt de Beaubray, le récri des chiens sur les côtes du Lesme, suivi de l'hallali dans un des points d'eau de cet endroit était un signal.
Sans aucune distinction de rang social paysans, bûcherons, comtes ou marquis, unis dans une même passion de la chasse se ruaient dans la direction des abois pour assister au spectacle haut en couleur qui accompagnait le cérémonial de la prise du cerf.
Selon un rite bien défini, les sonneries de trompes se succèdaient au moment de la curée, répétées en de vibrants échos sur les reliefs de la vallée. Pour terminer il était procédé à la remise du pied d'honneur par le maître d'équipage en faveur d'un invité du directeur de chasse. Il était pris par saison à cette époque environ 70 cerfs par l'équipage Olry Roederer et à peu près la même quantité par l'équipage du marquis de Chambray, dont la tenue était verte à parements noirs, gilet de velours grenat et culotte brune (ou jaune foncé). M. Olry Roederer était non seulement un chasseur passionné, mais aussi un gestionnaire avisé de son cheptel gibier qui était très important.
Il procédait à des battues sélectives et effectuait des croisements avec des sujets d'Europe Centrale en vue de l'amélioration de la morphologie des animaux. Pour éviter les dégâts dans les cultures et sylvicultures, la forêt dans sa presque totalité, et les coupes nouvellement abattues étaient entourées de treillage dont on peut encore apercevoir les vestiges, ce qui avait valu le surnom d'Olry " le grillageux" à l'auteur de cette initiative.
La superficie de ce territoire de près de 10 000 hectares était divisée en cantons surveillés par plus de 40 gardes chasse organisés en brigades. Ils habitaient pour la plupart dans les loges de la forêt.
Sur la commune de Beaubray il s'agissait de la loge du Cornet occupée en ce temps par M. Vauvelle. Il était de notoriété publique que M. Olry Roederer faisait preuve d'une grande mansuétude dans la répression des délits divers qui ne pouvaient manquer de se produire. Ceci en regard de la pauvreté, voire même de la misère des habitants voisins de cette grande forêt.
De cette période maintenant révolue revient souvent dans les récits des plus anciens, l'évocation de ces chasses d'antan avec toute la passion qu'ells pouvaient susciter.
Nous sommes à la fin du 20éme siècle et que devient la forêt de Beaubray ?
Elle s'est profondément modifiée dans sa structure et dans son exploitation.
De 3 propriétaires au début de ce siècle, il en existe maintenant 7 sur la même surface, à savoir:
- Mme de Kergolay
- Le Groupement Forestier de Ste Marguerite et la Béléne
- La Caisse de Prévoyance Mutuelle Agricole
- M. de Clermont Tonnerre
- Mme de Rohan Chabot
- M. le Comte Dymonville
- M. Rouzaud
L'exploitation artisanale étant disparue, de grandes parties du territoire ont été nivelées et replantées, soit en résineux, chênes, hêtres ou toutes autres essences. Ces plantations rectilignes permettent l'utilisation de machines monstrueuses pour l'abattage et le conditionnement des bois.
Les bûcherons sont toujours bien présents, mais ils sont beaucoup moins nombreux. En revanche l'équipement dont ils disposent leur assure un niveau de vie décent , ce dont il faut se réjouir.
En règle générale la rentabilité du territoire boisé passe avant toute autre considération. Le nombre de garde forestiers est réduit de façon draconnienne et l'entretien des coupes est lui aussi simplifié à l'extrême.
Les propriétaires et gérants de la forêt doivent maintenant faire face à une concurrence non plus nationale, mais mondiale, concernant la production forestière.
Les produits de synthèse ont un prix de revient souvent inférieur au bois. On n'extrait plus le minerai de fer des pentes du Lesme, mais en Mauritanie.
Les carrières de silex et d'argile sont depuis longtemps abandonnées.
Le verre n'est plus fabriqué à Beaubray car maintenant le bois de chauffage est concurrencé par le pétrole et l'électricité. En bref, il faut en permanence que la production forestière s'adapte aux nécessités de la vie actuelle.
L'exercice de la chasse en forêt de Beaubray s'est lui aussi profondément transformé dans ces dernières décennies. Il n'existait en 1910 qu'un seul détenteur du droit de chasse: M. Olry Roederer.
En 1995, il existe sur la même surface de territoire 4 sociétés de chasse dont les directeurs sont les suivants:
M. Lambert
M. Bruna
M. Raimboeuf
M. Bourlier
2 territoires de chasse sont individuels
M. Rouzaud
M. Le Comte d'Ymonville
Ces chasseurs beaucoup plus nombreux qu'au début du siècle se doivent maintenant d'être des gestionnaires avertis de la sauvegarde de la faune qui peuple la forêt, mais aussi ils doivent assurer la régulation de la population des différentes espèces.
Elle s'effectue en général par la délivrance de bagues aux détenteurs du droit de chasse et principalement pour le grand gibier.
Ceci bien sûr afin de protéger les plantations forestières, et les récoltes de la plaine des dégâts causés par les broutis et les gâtis des animaux sauvages.
Dans le même but sont utilisées,souvent de façon excessive, les clôtures électriques qui remplacent les treillages.
La chasse à courre ne se pratique plus que rarement du fait de la nécessité d'un grand parcours de chasse. Malgré toutes les transformations qu'elle a subies la chasse dans son ensemble reste une passion ancestrale pour les personnes qui la pratiquent et un revenu substantiel pour les propriétaires forestiers.
De plus en plus, en raison du temps de loisir qui augmente régulièrement ,les sentiers et chemins publics sont parcourus par les randonneurs pédestres et équestres pour la plus grande joie des utilisateurs.
Par contre il est toujours nécessaire d'être vigilant au regard des infractions constituées par les dépôts sauvages qui sont un inconvénient de notre société de consommation et de l'indiscipline de certains.
Pour terminer ce récit il est indispensable d'ajouter qu'au fil des siècles la forêt était non seulement le refuge des animaux mais aussi des hommes dans les périodes troublées. Pendant la révolution de 1789 un prêtre réfractaire était réfugié dans la Chapelle St Gourgon près de la loge de chasse du Tilleul.
Pendant la guerre de 1870 les francs-tireurs de la région tendaient des embuscades aux troupes prussiennes sur les routes traversant le massif boisé.
Plus près de nous de 1940 à 1944, les habitants et maquisards s'abritaient sous les couverts au cours des actions de représailles des troupes d'occupation.
Et bien sûr, il est difficile d'évoquer dans cette page tout ce dont nous sommes redevables à la forêt par la qualité de son environnement et de la contribution qu'elle apporte à la vie de chacun. Pour bien la découvrir il suffit de l'écouter et de la regarder.
Enfin, il faut méditer ces quelques mots:
"La forêt à l'image d'une femme sait beaucoup donner, pour qui sait bien l'aimer"
A parcourir également :
L'histoire de la forêt
La forêt pittoresque et folklorique
Autres liens externes relatifs à la forêt, le bois etc...
Sélection de sites consacrés à la forêt et à l'environnement (par Michalowski JM)
Infos sur les forêts par le WWF France 
