La forêt de Beaubray
D'après des textes et les recherches de André Dubosc (Maire de Beaubray)
La forêt pittoresque et folklorique
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Depuis les temps les plus reculés, et même encore de nos jours, la forêt est un grand livre ouvert sur la nature.
A notre époque où la pollution progresse à pas de géant, c'est encore dans la forêt que l'équilibre biologique est le plus respecté. Il est donc tout naturel de consacrer quelques pages à l'histoire de ces lieux très fréquentés de nos jours.
Tout d'abord, le site de la commune de Beaubray résulte du défrichage progressif de la forêt depuis la nuit des temps. Certains noms de hameaux et Lieux-dits en portent témoignage : Le Long Essart, Le Long le Bois, Le Coudray, Les Ventes Mauxes (peut être en relation avec saint Mauxe, cet éternel proscrit).
Sur les bordures de la plaine, la forêt est frangée de nombreuses Fieffes dont les noms se sont perpétués jusqu'à nous (la fieffe du parc, la fieffe bernée, la fieffe de mare neuve, la fieffe au loup, la fieffe leblond, la fieffe du coudray).
C'était une formule très typique d'essartage au moyen âge, où moyennant une redevance perpétuelle (le cens), il était possible aux paysans de défricher et de cultiver une portion de forêt.
D'abord sans aucune contrainte, l'usage des produits de la forêt fut de plus en plus codifié par le pouvoir royal.
Il faut citer parmi les premières chartes : "le coutumier des Forêts de Normandie" rédigé par Hector de Chartres, maître des Eaux et Forêts de Normandie en 1407.
D'autres coutumiers adaptés à chaque massif forestier virent le jour par la suite.
Etaient répertoriés dans ces écrits, les droits d'usages au bénéfice des habitants de la paroisse (droit de ramage, de pannage, de fouage, de marronnage, de pâturage).
Ces droits bien que souvent remis en cause par les propriétaires forestiers (procès interminables avec les communes riveraines de la forêt) ont continué d'être en vigueur jusqu'à la moitié du 20è siècle.
A la Restauration, les propriétaires forestiers prirent possession des pâtures qui bordaient les routes de la forêt, réduisant ces voies souvent de la moitié de leur largeur d'origine (les anciennes limites sont toujours visibles sur le terrain).
L'administration royale s'était toujours intéressée de très près à la richesse que représentait la forêt depuis toujours. C'est la raison pour laquelle une sergenterie avait été créée concernant les cinq paroisses de Beaubray, Ste-Marguerite-de-l'autel, Le Fidelaire, Sébécourt et Ste-Marthe. Celles-ci était placées sous l'autorité royale car, étaient concernés les bois d'uvre, le minerai de fer, l'argile pour les briques, tuiles, pavés... le sable pour la verrerie de Beaubray, le charbon pour les forges, et bien sûr le bois de chauffage.
Les différents propriétaires de la forêt de Beaubray furent d'abord les ducs de Normandie (911 - 1204), domaine royal de Philippe Auguste, Robert de Courtenay, le comte d'Artois Philippe VI de Valois (1343).
C'est en 1651 que la famille de Bouillon devint propriétaire du comté d'Evreux par échange de la principauté de Sedan avec le Roi Louis XIV. A la révolution et sous l'Empire la forêt devient propriété de l'Etat. Sous Louis XVIII la famille de Bouillon rentre en possession de ses biens. En 1825 Antoinette de Rohan vend la forêt de Conches au maître de forge Martin Duval et au comte Roy.
En 1870, M talhouët Roy possède 1.772 hectares, dont une partie sur la commune de Beaubray.
Ce lot fut acquis ensuite par M Hirsh, ingénieur des Ponts et Chaussées. Son fils Paul lui succéda dans la 1èrepartie du 20è siècle.
Le tracé des lignes de chasse et le quadrillage de la forêt en séries de coupes ou ventes, date du Roi Louis Philippe. Les lignes de chasse sont au nombre de cinq (ligne Védie, ligne dite des 4 mètres, ligne St-Roch, ligne du Clos Doré et ligne de la Nouette). Chaque coupe est une parcelle géométrique appelé Layon.
La superficie de la partie forestière de Beaubray est de 892 hectares traversée du sud au nord par une vallée qui renferme le cours souterrain du Rouloir (Le Lesme). Ce cours d'eau fait de temps en temps une apparition spectaculaire en surface.
Il est intéressant de rappeler le mode d'exploitation de la forêt durant la 1ère partie du 20è siècle car c'est la dernière phase de travail artisanal avant l'exploitation industrielle actuelle.
Sur la commune de Beaubray la forêt, dans sa plus grande surface, appartenait à l'inspecteur des Eaux et Forêts Paul Hirch. Ce forestier s'était appliqué à créer une futaie remarquable par la taille et la qualité de ses bois. Les taillis gardaient encore une densité relativement abondante et les résineux étaient en partie concentrés sur les pentes du Lesmes et sur le triage des Petites Fontaines.
Pour la surveillance et l'entretien de la forêt existait une brigade de gardes forestiers (appellation actuelle des anciens Verdiers). Les noms de ces gardes nous rappellent des souvenirs, Madeleine, Francoeur ont habité successivement les loges du clos Vallot et de la Verrerie, situées à Beaubray.
Il existait également trois autres loges dans la commune voisine de Sainte-Marguerite-de-l'Autel.
La tenue réglementaire des gardes forestiers consistait en un uniforme de velours vert foncé en hiver, et en tenue de drap kaki en été. Chaque tenue assortie de la traditionnelle casquette.
Le travail de ces hommes nécessitait une grande compétence dans la gestion des futaies, car ils devaient choisir et diriger la croissance d'arbres dont ils ne seraient jamais témoins de la maturité.
Pour ce faire, ils devaient élaguer et procéder à des éclaircies salutaires, destinées à privilégier les plus beaux sujets. Ceux-ci atteignaient fréquemment cent cinquante à deux cents années, quelque fois d'avantage avant d'être abattus.
Au cours de la période citée, le garde chef de brigade était M. Louis Montouchet, jusqu'en l'an 1903. C'est sous sa direction que le remodelage et l'encaissement du chemin du Lesme (dit de la Dosse à la Maison Verte) étaient réalisés, sur la propriété Hirch, sous leurs aspects actuels.
M. Saint Paul, fils de M. Hirch, devait avoir le plaisir, dans les années 1950 de dédier un chêne à M. Louis Montouchet pour la compétence dont il avait fait preuve dans l'accomplissement de son métier. Cet épisode se situe dans la pure tradition forestière de cette époque. Ce chêne se trouve à cent mètres de l'intersection de la route du long le Bois et de la route de Ste-Margueritte-de-l'Autel.
Ensuite, la succession à la direction de la brigade forestière fut assurée par M. Louis Ferron, précédemment garde du domaine Hirch depuis la fin de la guerre 1914-1918 et ce jusqu'au morcellement final de la propriété Hirch, en 1958.
Ces forestiers, gestionnaires avertis, étaient de cette génération qui ignorait la contestation. Ils étaient parfaitement intégrés dans ce milieu de sylviculture, souvent avec de modestes moyens, en regard de ceux de notre temps.
Leur dévouement à toute épreuve leur avait attiré, avec juste raison, l'estime et la reconnaissance des propriétaires de ce massif boisé.
Chaque année, les coupes désignées dans les séries, avant leur exploitation, étaient l'objet d'un travail préparatoire. Evaluation du cubage, estimation des réserves, martelage et bien sûr désignation des arbres destinés à l'abattage. Pour les taillis, des lots étaient préparés et délimités par des brisées.
C'est à partir de l'automne qu'intervenaient les ouvriers de la forêt. Pour une part ils travaillaient en permanence dans les bois, pour une autre part, il s'agissait de saisonniers qui étaient employés dans les fermes l'été. Ces hommes, en général rudes, indépendants et volontiers frondeurs, aimaient leur forêt d'une façon viscérale car elle assurait leurs besoins dans de nombreux domaines.
Parmi les permanents, se situaient les charbonniers qui vivaient dans des loges souvent semi-enterrées et construites de façon sommaire. Recouverts en permanence de poussière, de charbon, ils travaillaient dans des conditions d'hygiène presque inexistantes. Avec l'aide d'un âne ou d'un mulet ils transportaient le bois destiné à l'édification des fours.
Ils rangeaient ensuite méthodiquement et verticalement la charbonnette qui, recouverte d'argile et munie de chambres de tirage, devait se consumer en vase clos pour se transformer en charbon de bois. Ils devaient surveiller avec attention jour et nuit la carbonisation surtout les jours de tempête pour éviter une combustion trop rapide.
Les groupes de fours, que l'on appelait les "mouronnières" étaient en permanence surplombés par une fumée âcre et dense qui signalait leur emplacement.
Dans le voisinage des charbonniers on retrouvait les bûcherons. Ils arrivaient en général avant l'aube, la hache sur l'épaule et la serpe à la ceinture pour débuter une journée de labeur à la lueur des feux de branchages.
Leur travail consistait à conditionner le bois des taillis en stères destinés généralement au chauffage et aux papeteries. L'abattage des arbres destinés à l'industrie était réalisé avec beaucoup de soin et à certaines époques de l'année (absence de sève et lune décroissante).
Pour préserver les futaies de réserve, menacées par la chute des arbres, des bûcherons spécialisés se hissaient à l'aide de grappins dans la cime de ces fûts dans le but de les émonder.
Sur les coupes en exploitation, on retrouvait l'activité de nombreux métiers aujourd'hui disparus. Pour citation, existaient à cette époque les scieurs de long qui confectionnaient les traverses de chemin de fer, les latiers, les sabotiers.
Au printemps, étaient récupérés: l'écorce de chêne pour les tanneries, le bois pour étayer les galeries de mines, le cottret pour les fours. Les bourrées (fagots) étaient liées en ces temps avec une branche de bouleau (la Hart). Ensuite, la sortie entière de la production sur les chemins carrossables était assurée par des débardeurs et principalement pour les grûmes, par des fardiers tractés par des cheveux, souvent dans des conditions qui révolteraient nos actuels protecteurs des animaux.
L'activité de ces différents chantiers se traduisait par le fond sonore cadencé des cognées, des serpes, des scies et la plainte des arbres qui s'abattaient au sol.
Les moyens de déplacement étant surtout pédestre, les tâcherons de la forêt s'abritaient des intempéries, ainsi que pour le repas de midi, sous un hayon confectionné souvent en bruyères ou en genêts. Leur repas, très frugal, consistait généralement dans la consommation de harengs et d'une pomme, avec le cidre pour boisson, suivi du traditionnel café arrosé. Il faut se souvenir qu'en raison du peu de rentabilité de ce travail artisanal, les bûcherons étaient des pauvres parmi les pauvres.
Lorqu'une coupe était terminée, seules les réserves restaient en place, c'est à dire les bâliveaux, double âge, modernes, anciens, dans le langage forestier. Le taillis était destiné à se régénérer sur une période de trente années en moyenne prévision.
La remise en état des mares, des fossés de draînage, et le nivellement des ornières étaient assurés par les gardes forestiers. De la même façon, ils élaguaient les layons et les lignes avec le même souci de perfection dans la conception de dômes verdoyants parfaits, qui permettaient le passage des cavaliers avec une certaine aisance.
Les gardes étaient aussi chargés de la surveillance des bénéficiaires des droits d'usage de la forêt.
J'ai relevé qu'en l'année 1935, M. Ferron, garde chef, et M Renault, maire de Beaubray, présidaient au marquage des bêtes aumaille. M. Godard René étant nommé Pâtre de la Forêt pour le triage de Croix Roquelle. Comme on peut le voir, les traditions, à l'époque, ne perdaient pas leurs droits.
La forêt pittoresque et folklorique
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(par Michalowski JM du CDAF = Centre de Developpement Agroforestier de Chimay, en Belgique)
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